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Page:Maupassant - Miss Harriet - Ollendorff, 1907.djvu/181

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l’héritage

engourdies sous le soleil, tenant ouvertes sur leur tête, comme des fleurs énormes flottant sur l’eau, des ombrelles de soie rouge, jaune ou bleue. Des cris volaient d’une barque à l’autre, des appels et des engueulades ; et un bruit lointain de voix humaines, confus et continu, indiquait, là-bas, la foule grouillante des jours de fête.

Des files de pêcheurs à la ligne restaient immobiles, tout le long de la rivière ; tandis que des nageurs presque nus, debout dans de lourdes embarcations de pêcheurs, piquaient des têtes, remontaient sur leurs bateaux et ressautaient dans le courant.

Mme Torchebeuf, surprise, regardait. Cora lui dit : « C’est ainsi tous les dimanches. Cela me gâte ce charmant pays. »

Un canot venait doucement. Deux femmes, ramant, traînaient deux gaillards couchés au fond. Une d’elles cria vers la berge : « Ohé ! ohé ! les femmes honnêtes ! J’ai un homme à vendre, pas cher, voulez-vous ? »

Cora, se détournant avec mépris, passa son bras sous celui de son invitée : « On ne peut même rester ici, allons-nous-en. Comme ces créatures sont infâmes ! »

Et elles repartirent. M. Torchebeuf disait à Lesable : « C’est entendu pour le 1er janvier. Le directeur me l’a formellement promis. »