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Page:Maupassant - Miss Harriet - Ollendorff, 1907.djvu/213

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l’âne

tapant du pied. Mais la femme indignée s’élança, ne voulant pas qu’on martyrisât son bourri, offrant de rendre les cent sous, furieuse et geignante.

Labouise la menaça d’une tripotée et fit mine de relever ses manches. Il avait payé, n’est-ce pas ? Alors zut. Il allait lui en tirer un dans les jupes, pour lui montrer qu’on ne sentait rien.

Et elle s’en alla en les menaçant des gendarmes. Longtemps ils l’entendirent qui criait des injures plus violentes à mesure qu’elle s’éloignait.

Maillochon tendit le fusil à son camarade.

— À toi, Chicot.

Labouise ajusta et fit feu. L’âne reçut la charge dans les cuisses, mais le plomb était si petit et tiré de si loin qu’il se crut sans doute piqué des taons. Car il se mit à s’émoucher de sa queue avec force, se battant les jambes et le dos.

Labouise s’assit pour rire à son aise, tandis que Maillochon rechargeait l’arme, si joyeux qu’il semblait éternuer dans le canon.

Il s’approcha de quelques pas et, visant le même endroit que son camarade, il tira de nouveau. La bête, cette fois, fit un soubresaut, essaya de ruer, tourna la tête. Un peu de sang coulait enfin. Elle avait été touchée profondément, et une souffrance aiguë se déclara, car elle se mit à fuir sur la berge, d’un galop lent, boiteux et saccadé.