Aller au contenu

Page:Maupassant - Monsieur Parent.djvu/65

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Il y vécut. À peine levé, il allait chercher là des voisins pour occuper son regard et sa pensée. Puis, par paresse de se mouvoir, il y prit bientôt ses repas. Vers midi, il frappait avec sa soucoupe sur la table de marbre, et le garçon apportait vivement une assiette, un verre, une serviette et le déjeuner du jour. Dès qu’il avait fini de manger, il buvait lentement son café, l’œil fixé sur le carafon d’eau-de-vie qui lui donnerait bientôt une bonne heure d’abrutissement. Il trempait d’abord ses lèvres dans le cognac, comme pour en prendre le goût, cueillant seulement la saveur du liquide avec le bout de sa langue. Puis il se le versait dans la bouche, goutte à goutte, en renversant la tête ; promenait doucement la forte liqueur sur son palais, sur ses gencives, sur toute la muqueuse de ses joues, la mêlant avec la salive claire que ce contact faisait jaillir. Puis, adoucie par ce mélange, il l’avalait avec recueillement, la sentant couler, tout le long de sa gorge, jusqu’au fond de son estomac.