Aller au contenu

Page:Maupassant - Mont-Oriol, éd. Conard, 1910.djvu/147

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui semblait entrer dedans par une entaille en triangle, et Christiane, qui s’était levée, découvrit tout à coup dans un vaste et profond cratère un beau lac frais et rond ainsi qu’une pièce d’argent. Les pentes rapides du mont, boisées à droite et nues à gauche, tombaient dans l’eau qu’elles entouraient d’une haute enceinte régulière. Et cette eau calme, plate et luisante comme un métal, reflétait les arbres d’un côté, et de l’autre la côte aride avec une netteté si parfaite qu’on ne distinguait point les bords et qu’on voyait seulement dans cet immense entonnoir où se mirait, au centre, le ciel bleu, un trou clair et sans fond qui semblait traverser la terre percée de part en part jusqu’à l’autre firmament.

La voiture ne pouvait aller plus loin. On descendit et on prit, par le côté boisé, un chemin qui tournait autour du lac, sous les arbres, à mi-hauteur de la pente. Cette route, où ne passaient que les bûcherons, était verte comme une prairie ; et on voyait à travers les branches, l’autre côte en face et l’eau luisante au fond de cette cuve de montagne.

Puis on gagna, par une clairière, le rivage même pour s’asseoir sur un talus de gazon ombragé par des chênes. Et tout le monde s’étendit dans l’herbe avec une joie animale et délicieuse.