Page:Maupassant - Mont-Oriol, éd. Conard, 1910.djvu/30

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emmené ce matin au château de Tournoël.

— Qui ça, Paul ? Ah oui, ton ami !

— Paul Brétigny. C’est vrai, tu ne sais pas. Il prend un bain en ce moment.

— Il est malade ?

— Non. Mais il se guérit tout de même. Il vient d’être amoureux.

— Et il prend des bains acidulés — on dit acidulés, n’est-ce pas — pour se remettre.

— Oui. Il fait tout ce que je lui dis de faire. Oh ! il a été très touché. C’est un garçon violent, terrible. Il a failli mourir. Il a voulu la tuer aussi. C’était une actrice, une actrice connue. Il l’a aimée follement. Et puis, elle ne lui était pas fidèle, bien entendu. Ça a fait un drame épouvantable. Alors, je l’ai emmené. Il va mieux en ce moment, mais il y pense encore.

Elle souriait tout à l’heure ; maintenant, devenue sérieuse, elle répondit :

— Ça m’amusera de le voir.

Pour elle, cependant, ça ne signifiait pas grand’chose, « l’Amour ». Elle pensait à cela, quelquefois, comme on pense, quand on est pauvre, à un collier de perles, à un diadème de brillants, avec un désir éveillé pour cette chose possible et lointaine. Elle se figurait cela d’après quelques romans lus par désœuvrement, sans y attacher d’ailleurs grande