Page:Maupassant - Pierre et Jean, Ollendorff, 1888.djvu/111

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Il avait flâné sur la jetée aux heures de marée, flâné par les rues, flâné dans les cafés, flâné chez Marowsko, flâné partout. Et voilà que, tout à coup, cette vie, supportée jusqu’ici, lui devenait odieuse, intolérable. S’il avait eu quelque argent il aurait pris une voiture pour faire une longue promenade dans la campagne, le long des fossés de ferme ombragés de hêtres et d’ormes ; mais il devait compter le prix d’un bock ou d’un timbre-poste, et ces fantaisies-là ne lui étaient point permises. Il songea soudain combien il est dur, à trente ans passés, d’être réduit à demander, en rougissant, un louis à sa mère, de temps en temps ; et il murmura, en grattant la terre du bout de sa canne :

— Cristi ! si j’avais de l’argent !

Et la pensée de l’héritage de son frère entra en lui de nouveau, à la façon d’une piqûre de guêpe ; mais il la chassa avec impatience, ne voulant point s’abandonner sur cette pente de jalousie.

Autour de lui des enfants jouaient dans la