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Page:Maupassant - Pierre et Jean, Ollendorff, 1888.djvu/116

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mes, se disait-il, doivent nous apparaître dans un rêve ou dans une auréole de luxe qui poétise leur vulgarité.

Elle lui demandait :

— Tu es passé l’autre matin avec un beau blond à grande barbe, est-ce ton frère ?

— Oui, c’est mon frère.

— Il est rudement joli garçon.

— Tu trouves ?

— Mais oui, et puis il a l’air d’un bon vivant.

Quel étrange besoin le poussa tout à coup à raconter à cette servante de brasserie l’héritage de Jean ? Pourquoi cette idée, qu’il rejetait de lui lorsqu’il se trouvait seul, qu’il repoussait par crainte du trouble apporté dans son âme, lui vint-elle aux lèvres en cet instant, et pourquoi la laissa-t-il couler, comme s’il eût eu besoin de vider de nouveau devant quelqu’un son cœur gonflé d’amertume ?

Il dit en croisant ses jambes :

— Il a joliment de la chance, mon frère, il vient d’hériter de vingt mille francs de rente.