Page:Maupassant - Pierre et Jean, Ollendorff, 1888.djvu/140

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— Toujours vent d’amont, m’sieu Pierre. J’avons bonne brise au large.

— Eh bien ! mon père, en route.

Ils hissèrent la misaine, levèrent l’ancre, et le bateau, libre, se mit à glisser lentement vers la jetée sur l’eau calme du port. Le faible souffle d’air venu par les rues tombait sur le haut de la voile, si doucement qu’on ne sentait rien, et la Perle semblait animée d’une vie propre, de la vie des barques, poussée par une force mystérieuse cachée en elle. Pierre avait pris la barre, et, le cigare aux dents, les jambes allongées sur le banc, les yeux mi-fermés sous les rayons aveuglants du soleil, il regardait passer contre lui les grosses pièces de bois goudronné du brise-lames.

Quand ils débouchèrent en pleine mer, en atteignant la pointe de la jetée nord qui les abritait, la brise, plus fraîche, glissa sur le visage et sur les mains du docteur comme une caresse un peu froide, entra dans sa poitrine qui s’ouvrit, en un long soupir, pour la boire, et, enflant la voile brune qui s’arrondit, fit