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Page:Maupassant - Pierre et Jean, Ollendorff, 1888.djvu/244

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Il parlait par phrases courtes, hachées, presque sans suite, des phrases d’halluciné.

Il semblait maintenant avoir oublié Jean et sa mère dans la pièce voisine. Il parlait comme si personne ne l’écoutait, parce qu’il devait parler, parce qu’il avait trop souffert, trop comprimé et refermé sa plaie. Elle avait grossi comme une tumeur, et cette tumeur venait de crever, éclaboussant tout le monde. Il s’était mis à marcher comme il faisait presque toujours ; et les yeux fixes devant lui, gesticulant, dans une frénésie de désespoir, avec des sanglots dans la gorge, des retours de haine contre lui-même, il parlait comme s’il eût confessé sa misère et la misère des siens, comme s’il eût jeté sa peine à l’air invisible et sourd où s’envolaient ses paroles.

Jean éperdu, et presque convaincu soudain par l’énergie aveugle de son frère, s’était adossé contre la porte derrière laquelle il devinait que leur mère les avait entendus.

Elle ne pouvait point sortir ; il fallait passer