Aller au contenu

Page:Maupassant - Pierre et Jean, Ollendorff, 1888.djvu/92

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ombre, une grande ombre fantastique, glissa. S’étant penché sur le parapet de granit, il vit une barque de pêche qui rentrait, sans un bruit de voix, sans un bruit de flot, sans un bruit d’aviron, doucement poussée par sa haute voile brune tendue à la brise du large.

Il pensa : « Si on pouvait vivre là-dessus, comme on serait tranquille, peut-être ! » Puis ayant fait encore quelques pas, il aperçut un homme assis à l’extrémité du môle.

Un rêveur, un amoureux, un sage, un heureux ou un triste ? Qui était-ce ? Il s’approcha, curieux, pour voir la figure de ce solitaire ; et il reconnut son frère.

— Tiens, c’est toi, Jean ?

— Tiens… Pierre… Qu’est-ce que tu viens faire ici ?

— Mais je prends l’air. Et toi ?

Jean se mit à rire :

— Je prends l’air également.

Et Pierre s’assit à côté de son frère.

— Hein, c’est rudement beau ?

— Mais oui.