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Page:Maupassant - Théâtre, OC, Conard, 1910.djvu/17

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une répétition

Me portent sur les nerfs, et me sont odieuses.

Voilà mon sentiment. Quant au petit monsieur

Frisé, la bouche en cœur, et roide comme un pieu,

Débitant gauchement ses fades sucreries,

Autant fait par le ciel pour ces galanteries

Qu’un âne pour chanter une chanson d’amour ;

Commerçant le matin, et le soir troubadour,

Qui, calculant le prix ou des draps ou des toiles,

Répète vaguement des couplets aux étoiles,

Et quitte son comptoir d’un petit air léger

Pour prendre la houlette et devenir berger,

C’est un sot le matin, et le soir c’est un cuistre

Dont le rire est stupide et la grâce sinistre !

Encore, eussiez-vous pris quelque morceau plaisant

Qui, sans prétention, pourrait être amusant !

Mais choisir une églogue !… Et quelle mise en scène ?

C’est dans ces prés fleuris où serpente la Seine.

Ce salon représente un champ, frais et coquet.

Pour plus de vraisemblance on y pose un bouquet

À droite est une dame habillée en bergère ;

Elle écoute, effeuillant un rameau de fougère,

Un monsieur costumé ; c’est un petit marquis ;

Il porte lourdement un habit rose exquis,

S’incline, et dans la main il tient une houlette

Qu’il présente à la dame avec un air fort bête.

— Trois tabourets épars simulent des brebis —

Tout est faux, le décor, les gens et les habits,

Est-ce vrai ?… Ce dindon, enfin, qui fait la roue,

Doit vous baiser la main, quand ce n’est point la joue,

Et par cette faveur son orgueil attisé

À d’autres libertés se croit autorisé.

Puis ces longs tête-à-tête où l’on feint la tendresse ;