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Page:Maupassant - Théâtre, OC, Conard, 1910.djvu/27

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une répétition


Pour les trouver j’ai dessein

De baiser, ô ma farouche,
Et ton âme sur ta bouche,

Et ton doux cœur sur ton sein.

Elle le regarde en riant, puis, se relevant.
Il l’embrasse. Êtes-vous une bergère en Sèvres ?
Troublez-vous. Qu’un soupir s’échappe de vos lèvres.
Baissez les yeux, tremblez, pâlissez, rougissez.
Changeant de ton. D’une voix brève
Çà, nous ne ferons rien. Cher monsieur, c’est assez.

rené., brusquement.

Je suis mauvais, la faute en est à mon costume ;
Si j’étais en habit tout simple, je présume
Que je saurais sans peine exprimer mon amour.
À l’époque fleurie où régnait Pompadour,
Presque autant que la tête on poudrait la pensée ;
Et la phrase ambiguë, avec soin cadencée,
Semblait une chanson aux lèvres des amants.
Ils avaient en l’esprit encor plus d’ornements
Que de rubans de soie à leur fraîche toilette.
L’amant était léger, l’amante était follette.
Ils ne se permettaient que de petits baisers
Pour ne point faire tort à leurs cheveux frisés ;
Et gardaient tant de grâce et de délicatesse
Qu’un mot un peu brutal eût rompu leur tendresse.
Mais aujourd’hui, qu’on a décousu pour toujours
La pompe des habits et celle des discours,
Nous ne comprenons plus ces futiles manières ;
Et pour se faire aimer il faut d’autres prières,
Plus simples mais aussi plus ardentes.