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Page:Maupassant - Une surprise (extrait de Gil Blas, édition du 1883-05-15).djvu/7

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mère. Son âme est au céleste séjour. »

Mon oncle était un grand curé osseux, carré d’idées comme de corps. Son âme elle-même semblait dure et précise, ainsi qu’une réponse de catéchisme. Il nous parlait souvent de Dieu avec une voix tonnante. Il prononçait ce mot violemment comme s’il eût tiré un coup de pistolet. Son Dieu, d’ailleurs, n’était pas « le bon Dieu », mais « Dieu » tout court. Il devait songer à lui comme un maraudeur songe au gendarme, un prisonnier au juge d’instruction.

Il nous éleva rudement, mon frère et moi, nous apprenant à trembler plus qu’à aimer.

Quand nous eûmes l’un quatorze ans et l’autre quinze, il nous mit en pension, à prix réduit, à l’institution ecclésiastique d’Yvetot. C’était un grand bâtiment triste, peuplé de curés et d’élèves presque tous destinés au sacerdoce. Je n’y puis songer encore sans des frissons de tristesse. On sentait la prière là-dedans comme on sent le poisson au marché, un jour de marée. Oh ! le triste collège, avec ses éternelles cérémonies religieuses, la messe froide de chaque matin, les méditations, les récita-