Aller au contenu

Page:Maupassant - Yvette, OC, Conard, 1910.djvu/239

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

MOHAM.MED-FRIPOUILLE. 227

liés de telle sorte que le moindre mouve- ment de l'un pour s'enfuir l'eût étranglé, ainsi que ses deux voisins. Tout geste qu'ils faisaient tirait sur le nœud coulant du col, et il leur fallait marcher d'un pas égal sans s'écarter d'un rien l'un de l'autre sous peine de tomber aussitôt comme un lièvre pris au collet.

Quand cette étrange besogne fut finie, Mohammed se mit à rire, de son rire silen- cieux qui lui secouait le ventre sans qu'aucun bruit sortît de sa bouche.

— Ça, c'est la chaîne arabe, dit-il. Nous-mêmes, nous commencions à nous

tordre devant la figure effarée et piteuse des prisonniers.

— Maintenant, cria notre chef, un pieu à chaque bout, les enfants, attachez-moi ça.

On fixa en eflPet un pieu à chaque bout de ce ruban de captifs blancs pareils à des fan- tômes, et qui demeuraient immobiles, comme s'ils eussent été changés en pierres.

— Et dînons, prononça le Turc.

On alluma du feu et on fit cuire un mouton que nous dépeçâmes de nos mains. Puis on mangea des dattes trouvées dans les tentes; on but du lait obtenu de la même façon et on