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Page:Maupassant - Yvette.djvu/207

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taines atteintes du sort, peut-on fuir la destinée fatale ? Quand on est femme, seule, abandonnée, sans tendresse, sans enfants, peut-on fuir toujours une passion qui se lève sur vous, comme on fuirait la lumière du soleil, pour vivre, jusqu’à sa mort, dans la nuit ?

Comme elle se rappelait tous les détails maintenant, ses baisers, ses sourires, son arrêt sur la porte pour la regarder en entrant chez elle. Quels jours heureux, ses seuls beaux jours, si vite finis !

Puis elle s’aperçut qu’elle était enceinte ! quelles angoisses !

Oh ! ce voyage, dans le Midi, ce long voyage, ces souffrances, ces terreurs incessantes, cette vie cachée dans ce petit chalet solitaire, sur le bord de la Méditerranée, au fond d’un jardin dont elle n’osait pas sortir !

Comme elle se les rappelait, les longs jours qu’elle passait étendue sous un oranger, les yeux levés vers les fruits rouges, tout ronds, dans le feuillage vert ! Comme elle aurait voulu sortir, aller jusqu’à la mer, dont le souffle frais lui venait par-dessus le mur, dont elle entendait les courtes vagues sur la plage, dont elle rêvait la grande surface bleue, luisante de soleil avec