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Page:Maupassant - Yvette.djvu/233

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seulement pas la soulever ; et elle s’affaissa par terre en poussant un grand soupir.

On faisait cercle autour d’eux. Quant à moi, je piétinais sur place, ne sachant que faire, et ne pouvant me résoudre vraiment à abandonner ainsi cet homme et cette enfant.

Tout à coup, un de mes soldats, un Parisien, qu’on avait surnommé « Pratique », prononça :

— Allons, les camaraux, faut porter cette demoiselle-là, ou bien nous n’sommes pus Français, nom d’un chien !

Je crois, ma foi, que je jurai de plaisir.

— Nom d’un nom, c’est gentil, ça, les enfants. Et je veux en prendre ma part.

On voyait vaguement, dans l’ombre, sur la gauche, les arbres d’un petit bois. Quelques hommes se détachèrent et revinrent bientôt avec un faisceau de branches liées en litière.

— Qui est-ce qui prête sa capote ? cria Pratique ; c’est pour une belle fille, les frérots.

Et dix capotes vinrent tomber autour du soldat. En une seconde, la jeune fille fut couchée dans ces chauds vêtements, et enlevée sur six épaules. Je m’étais placé en tête, à droite, et content, ma foi, d’avoir ma charge.