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Page:Maupassant - Yvette.djvu/237

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chevaux, étaient tombés. Trois bêtes s’enfuyaient d’un galop furieux, et l’une traînait derrière elle, pendu par le pied à l’étrier et bondissant éperdument, le cadavre de son cavalier.

Un soldat, derrière moi, riait, d’un rire terrible. Un autre dit :

— « V’là des veuves ! »

Il était marié, peut-être. Un troisième ajouta :

— Faut pas grand temps !

Une tête était sortie de la litière :

— Qu’est-ce qu’on fait, dit-elle, on se bat ?

Je répondis :

— Ce n’est rien, mademoiselle ; nous venons d’expédier une douzaine de Prussiens !

Elle murmura :

— Pauvres gens !

Mais comme elle avait froid, elle redisparut sous les capotes.

On repartit. On marcha longtemps. Enfin, le ciel pâlit. La neige devenait claire, lumineuse, luisante ; et une teinte rose s’étendait à l’orient.

Une voix lointaine cria :

— Qui vive ?

Tout le détachement fit halte ; et je m’avançai pour nous faire reconnaître.

Nous arrivions aux lignes françaises.