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Page:Maupassant Bel-ami.djvu/159

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Il entra avec assurance dans l’antichambre éclairée par les hautes torchères de bronze et il remit, d’un geste naturel, sa canne et son pardessus aux deux valets qui s’étaient approchés de lui.

Tous les salons étaient illuminés. Mme Walter recevait dans le second, le plus grand. Elle l’accueillit avec un sourire charmant, et il serra la main des deux hommes arrivés avant lui, M. Firmin et M. Laroche-Mathieu, députés, rédacteurs anonymes de la Vie Française. M. Laroche-Mathieu avait dans le journal une autorité spéciale provenant d’une grande influence sur la Chambre. Personne ne doutait qu’il ne fût ministre un jour.

Puis arrivèrent les Forestier, la femme en rose, et ravissante. Duroy fut stupéfait de la voir intime avec les deux représentants du pays. Elle causa tout bas, au coin de la cheminée, pendant plus de cinq minutes, avec M. Laroche-Mathieu. Charles paraissait exténué. Il avait maigri beaucoup depuis un mois, et il toussait sans cesse en répétant : « Je devrais me décider à aller finir l’hiver dans le Midi. »

Norbert de Varenne et Jacques Rival apparurent ensemble. Puis une porte s’étant ouverte au fond de l’appartement, M. Walter entra avec deux grandes jeunes filles de seize à dix-huit ans, une laide et l’autre jolie.

Duroy savait pourtant que le patron était père de famille, mais il fut saisi d’étonnement. Il n’avait jamais songé aux filles de son directeur que comme on songe aux pays lointains qu’on ne verra jamais. Et puis il se les était figurées toutes petites et il voyait des femmes. Il en ressentait le léger trouble moral que produit un changement à vue.

Elles lui tendirent la main, l’une après l’autre, après la présentation, et elles allèrent s’asseoir à une petite