Page:Maupassant Bel-ami.djvu/238

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tout. Tout le monde le fait et personne n’en rit. Séparez votre nom en deux : « Du Roy. » Ça va très bien.

Il répondit aussitôt, en homme qui connaît la question :

— Non, ça ne va pas. C’est un procédé trop simple, trop commun, trop connu. Moi j’avais pensé à prendre le nom de mon pays, comme pseudonyme littéraire d’abord, puis à l’ajouter peu à peu au mien, puis même, plus tard, à couper en deux mon nom comme vous me le proposiez.

Elle demanda :  — Votre pays c’est Canteleu ?

— Oui.

Mais elle hésitait : — Non. Je n’en aime pas la terminaison. Voyons, est-ce que nous ne pourrions pas modifier un peu ce mot… Canteleu ?

Elle avait pris une plume sur la table et elle griffonnait des noms en étudiant leur physionomie. Soudain elle s’écria : — Tenez, tenez, voici.

Et elle lui tendit un papier où il lut : « Madame Duroy de Cantel. »

Il réfléchit quelques secondes, puis il déclara avec gravité :

— Oui, c’est très bon.

Elle était enchantée et répétait :

— Duroy de Cantel, Duroy de Cantel, Madame Duroy de Cantel. C’est excellent, excellent !

Elle ajouta, d’un air convaincu : — Et vous verrez comme c’est facile à faire accepter par tout le monde. Mais il faut saisir l’occasion. Car il serait trop tard ensuite. Vous allez, dès demain, signer vos chroniques D. de Cantel, et vos échos tout simplement Duroy. Ça se fait tous les jours dans la presse et personne ne s’étonnera de vous voir prendre un nom de guerre. Au moment