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Page:Maupassant Bel-ami.djvu/249

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— Il me semblait que nous n’allions pas à Rouen pour parler de lui.

Elle lui donna une petite tape sur la joue : — C’est vrai, j’ai tort. — Elle riait.

Il affectait de tenir ses mains sur ses genoux, comme les petits garçons bien sages.

— Vous avez l’air niais, comme ça, — dit-elle.

Il répliqua : — C’est mon rôle, auquel vous m’avez d’ailleurs rappelé tout à l’heure, et je n’en sortirai plus.

Elle demanda :

— Pourquoi ?

— Parce que c’est vous qui prenez la direction de la maison, et même celle de ma personne. Cela vous regarde, en effet, comme veuve !

Elle fut étonnée :

— Que voulez-vous dire au juste ?

— Que vous avez une expérience qui doit dissiper mon ignorance, et une pratique du mariage qui doit dégourdir mon innocence de célibataire, voilà, na !

Elle s’écria :

— C’est trop fort !

Il répondit :

— C’est comme ça. Je ne connais pas les femmes, moi, — na, — et vous connaissez les hommes, vous, puisque vous êtes veuve, — na, — c’est vous qui allez faire mon éducation… ce soir — na, — et vous pouvez même commencer tout de suite, si vous voulez, — na.

Elle s’écria, très égayée :

— Oh ! par exemple, si vous comptez sur moi pour ça !…

Il prononça, avec une voix de collégien qui bredouille sa leçon : — Mais oui, — na, — j’y compte. Je compte même que vous me donnerez une instruction solide… en vingt leçons… dix pour les éléments… la lecture et la