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Page:Maupassant Bel-ami.djvu/309

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taine. Il se fit très humble, très discret et soumis.

Mmes Laroche-Mathieu et Rissolin accompagnaient leurs maris. La vicomtesse de Percemur parla du grand monde. Mme de Marelle était ravissante dans une toilette d’une fantaisie singulière, jaune et noire, un costume espagnol qui moulait bien sa jolie taille, sa poitrine et ses bras potelés, et rendait énergique sa petite tête d’oiseau.

Du Roy avait pris à sa droite Mme Walter, et il ne lui parla, durant le dîner, que de choses sérieuses, avec un respect exagéré. De temps en temps il regardait Clotilde. « Elle est vraiment plus jolie et plus fraîche », pensait-il. Puis ses yeux revenaient vers sa femme qu’il ne trouvait pas mal non plus, bien qu’il eût gardé contre elle une colère rentrée, tenace et méchante.

Mais la Patronne l’excitait par la difficulté de la conquête, et par cette nouveauté toujours désirée des hommes.

Elle voulut rentrer de bonne heure. — Je vous accompagnerai, dit-il.

Elle refusa. Il insistait : — Pourquoi ne voulez-vous pas ? Vous allez me blesser vivement. Ne me laissez pas croire que vous ne m’avez point pardonné. Vous voyez comme je suis calme.

Elle répondit : — Vous ne pouvez pas abandonner ainsi vos invités.

Il sourit : — Bah ! je serai vingt minutes absent. On ne s’en apercevra même pas. Si vous me refusez, vous me froisserez jusqu’au cœur.

Elle murmura : — Eh bien, j’accepte.

Mais dès qu’ils furent dans la voiture, il lui saisit la main, et la baisant avec passion : — Je vous aime, je vous aime. Laissez-moi vous le dire. Je ne vous toucherai