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Page:Maupassant Bel-ami.djvu/370

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avoir l’air de dire : « Je préfère l’un ou l’autre après ma mort comme je l’ai préféré pendant ma vie. » Il aimait mieux la femme, bien entendu, mais en laissant sa fortune à l’un comme à l’autre il a voulu exprimer nettement que sa préférence était toute platonique. Et sois certaine que, s’il y avait songé, c’est ce qu’il aurait fait. Il n’a pas réfléchi, il n’a pas prévu les conséquences. Comme tu le disais fort bien tout à l’heure, c’est à toi qu’il offrait des fleurs chaque semaine, c’est à toi qu’il a voulu laisser son dernier souvenir sans se rendre compte…

Elle l’arrêta avec une nuance d’irritation : — C’est entendu. J’ai compris. Tu n’as pas besoin de tant d’explications. Va tout de suite chez le notaire.

Il balbutia, rougissant : — Tu as raison, j’y vais.

Il prit son chapeau, puis, au moment de sortir :

— Je vais tâcher d’arranger la difficulté du neveu pour cinquante mille francs, n’est-ce pas ?

Elle répondit avec hauteur : — Non. Donne-lui les cent mille francs qu’il demande. Et prends-les sur ma part, si tu veux.

Il murmura, honteux soudain : — Ah ! mais non, nous partagerons. En laissant cinquante mille francs chacun, il nous reste encore un million net.

Puis il ajouta : — À tout à l’heure, ma petite Made.

Et il alla expliquer au notaire la combinaison qu’il prétendit imaginée par sa femme.

Ils signèrent le lendemain une donation entre vifs de cinq cent mille francs que Madeleine Du Roy abandonnait à son mari.

Puis, en sortant de l’étude, comme il faisait beau, Georges proposa de descendre à pied jusqu’aux boulevards. Il se montrait gentil, plein de soins, d’égards, de