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Page:Maupassant Bel-ami.djvu/401

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élans brusques et rapides, une allure étrange de petits monstres ; et sur le sable d’or du fond ils se détachaient en rouge ardent, passant comme des flammes dans l’onde transparente, ou montrant, aussitôt qu’ils s’arrêtaient, le filet bleu qui bordait leurs écailles.

Georges et Suzanne voyaient leurs propres figures renversées dans l’eau, et ils souriaient à leurs images.

Tout à coup, il dit à voix basse : — Ce n’est pas bien de me faire des cachotteries, Suzanne.

Elle demanda : — Quoi donc, Bel-Ami ?

— Vous ne vous rappelez pas ce que vous m’avez promis, ici même, le soir de la fête ?

— Mais non ?

— De me consulter toutes les fois qu’on demanderait votre main.

— Eh bien ?

— Eh bien, on l’a demandée.

— Qui ça ?

— Vous le savez bien.

— Non. Je vous jure.

— Si, vous le savez ! Ce grand fat de marquis de Cazolles.

— Il n’est pas fat, d’abord.

— C’est possible ! mais il est stupide ; ruiné par le jeu et usé par la noce. C’est vraiment un joli parti pour vous, si jolie, si fraîche, et si intelligente.

Elle demanda, en souriant : — Qu’est-ce que vous avez contre lui ?

— Moi ? Rien.

— Mais si. Il n’est pas tout ce que vous dites.

— Allons donc. C’est un sot et un intrigant.

Elle se tourna un peu, cessant de regarder dans l’eau :

— Voyons, qu’est-ce que vous avez ?