Page:Mercier - Tableau de Paris, tome IX, 1788.djvu/20

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
( 18 )

À force de ne trouver rien qui vaille sur son chemin, on devient rien qui vaille soi-même ; cela peut s’appliquer à la valetaille de la cour.

On voit dans ce pays-là, des teints pâles & des tempéramens cacochymes. Un jeune seigneur est quelquefois aussi délicat qu’une jeune fille valétudinaire ; les femmes ont encore la physionomie plus altérée que les hommes. Tous ces visages, malgré leurs masques, ne peuvent pas cacher les passions cruelles qui souvent les dévorent.

Les princes, sauf les exceptions, ont une double paresse dans l’esprit : comme ils reçoivent leurs idées de ce qui les environne, ils ne savent point avoir les leurs en propre ; par la même raison qu’on les chausse, qu’on les habille, qu’on leur épargne la moindre fatigue, ils s’habituent à recevoir leurs pensées d’autrui, toutes faites & toutes formées.

L’art de penser exige une sorte de méditation prolongée ; & ce n’est que dans le choc de plusieurs idées contradictoires, qu’on apprend à démêler l’idée véritable. Les