Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 3.djvu/159

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.

Moi ! point du tout, je suis gentilhomme.

SBRIGANI.

Il faut bien, pour parler ainsi, que vous ayez étudié la pratique.

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.

Point. Ce n’est que le sens commun qui me fait juger que je serai toujours reçu à mes faits justificatifs, et qu’on ne sauroit condamner sur une simple accusation, sans un récolement et confrontation avec mes parties.

SBRIGANI.

En voilà du plus fin encore.

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.

Ces mots-là me viennent sans que je les sache.

SBRIGANI.

Il me semble que le sens commun d’un gentilhomme peut bien aller à concevoir ce qui est du droit et de l’ordre de la justice, mais non pas à savoir les vrais termes de la chicane.

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.

Ce sont quelques mots que j’ai retenus en lisant les romans.

SBRIGANI.

Ah ! fort bien.

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.

Pour vous montrer que je n’entends rien du tout à la chicane, je vous prie de me mener chez quelque avocat, pour consulter mon affaire.

SBRIGANI.

Je le veux, et vais vous conduire chez deux hommes fort habiles ; mais j’ai auparavant à vous avertir de n’être point surpris de leur manière de parler ; ils ont contracté du barreau certaine habitude de déclamation qui fait que l’on diroit qu’ils chantent ; et vous prendrez pour musique tout ce qu’ils vous diront.

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.

Qu’importe comme ils parlent, pourvu qu’ils me disent ce que je veux savoir !