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GÉRARD DE NERVAL

geois, c’est-à-dire en justaucorps et en culotte courte, chaussé de gros souliers. Ce Léviathan tenait du bout des doigts, entre l’index et le pouce, la dépouille humaine de Faust, ployé en deux, mort. — Gérard de Nerval, alors écolier, avait marchandé le livre ; mais le bouquiniste, petit vieillard aussi étrange que son livre, avait demandé un prix exorbitant, quinze ou vingt francs, je crois. Gérard s’étonna et soupira, comprenant qu’il devait y renoncer.

Mais la fatalité le ramenait presque tous les jours devant ce Faust inconnu ; il en avait lu quelques pages, il voulait lire tout. Le bouquiniste inquiet mit le livre dans une vitrine qui fermait à clef. Alors Gérard se détermina à amasser sur ses économies la somme indispensable ; mais lorsqu’au bout de quinze jours il reprit le chemin du boulevard Beaumarchais, l’étalage et l’étalagiste avaient disparu. Il repassa le lendemain, même absence. Il s’informa de la demeure du vieux libraire, on l’envoya à la rotonde du Temple ; là, après avoir visité plusieurs galetas, il finit par apprendre que le bouquiniste était mort subitement ; les livres avaient été envoyés à l’hôtel Bullion et vendus par lots.