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Page:Monselet - Les Ressuscités, 1876.djvu/277

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JEAN JOURNET

cet apôtre, en revanche, possédait la force des lions !

Quand nous étions réunis, le soir, trois ou quatre autour d’un pot de bière, il n’était pas rare de voir entrer brusquement Jean Journet, avec son austère caban, son fin et noir regard, sa démarche solennelle. Il serrait la main à tout le monde. — Bonsoir, apôtre, disions-nous avec un sourire qui n’avait rien de moqueur ni cependant rien de convaincu. Quelquefois, il y avait deux mois, trois mois que nous ne l’avions vu. Alors, tout en bourrant sa pipe avec un soin terrestre, il nous racontait son dernier voyage. Tantôt c’était de Lyon qu’il arrivait, tantôt de Montpellier, de plus loin encore ; il avait fait la route à pied, comme toujours, car c’était là un apôtre dans la sincère acception du terme. Partout, sur son passage, il avait semé la parole du maître, — le maître Fourier d’abord, et puis le maître Jean Journet ensuite. — Il avait déclamé ses plus belles strophes aux paysans, et une fois déclamées, il les leur avait vendues, et une fois vendues, il leur en avait donné d’autres. Les paysans écoutaient des deux oreilles et prenaient des deux mains, tant cet