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Page:Monselet - Les Ressuscités, 1876.djvu/41

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CHATEAUBRIAND

moi. Traité partout d’esprit romanesque, honteux du rôle que je jouais, dégoûté de plus en plus des choses et des hommes, je pris le parti de me retirer dans un faubourg pour y vivre totalement ignoré. Je trouvai du plaisir dans cette vie obscure et indépendante. Inconnu, je me mêlais à la foule, vaste désert d’hommes ! »

Mais, sur ces entrefaites, la Révolution marchait. Elle vint droit à lui. Il en eut peur, et il recula. Son heure d’action n’était pas sonnée. Trop dédaigneux peut-être, il regarda se traîner dans les ruisseaux de Paris les vainqueurs de la Bastille, et détourna la tête de l’œuvre de fer qui s’apprêtait. La noblesse tout entière émigrait à Coblentz. Chateaubriand émigra au Nouveau-Monde. Avant de connaître les hommes, il voulut connaître l’homme.

Toutefois, il ne partit pas sans dire au revoir. La Harpe, qui était le concierge de la littérature du xviiie siècle, lui présenta le Mercure pour qu’il y inscrivît son nom, comme c’était l’usage. Chateaubriand y mit je ne sais quels vers sur l’Amour de la campagne, une sorte d’idylle — au nez de laquelle il a dû