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Page:Monselet - Les Ressuscités, 1876.djvu/48

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LES RESSUSCITÉS

plus tard, M. de Chateaubriand était à Londres. Retiré dans un faubourg, au fond d’une maison vieille, devant une table branlante, il commençait l’Essai sur les Révolutions, et traduisait de l’anglais, aux gages d’un libraire. Pendant huit ans, il mangea du grenier, pour parler le langage des artistes. Son habit était râpé ; il ne sortait que le soir. Dans ses marches mélancoliques, on le voyait traverser le village de Harrow, à l’époque où une tête d’enfant vive et bouclée, — celle de lord Byron, — se montrait souvent aux fenêtres de l’école.

J’aime cette misère de Chateaubriand et jusqu’à ce pauvre habit nocturne que j’eusse voulu lui voir conserver toujours, comme fit le vizir des Contes, jadis gardeur de troupeaux. M. M*** lui avait dit un jour : — « Il n’y a qu’une infortune réelle, celle de manquer de pain. » Et souvent l’auteur de René eut l’occasion de se trouver réellement malheureux. Il parle en maint endroit du droguiste et du marchand de poignards qui demeuraient à sa porte. Mais ce ne sont que des déboires passagers, après lesquels, résigné et rêvant, nous le retrouvons par les rues de Londres,