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Page:Montifaud - Les Romantiques, 1878.djvu/120

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de croire que nous pouvons l’offenser et qu’il ne prend la peine ni de nous récompenser ni de nous punir, laissant au hasard et au savoir-faire de chacun le soin d’arranger et de conduire sa vie. On dit encore qu’il y a plus de courage à supporter le malheur qu’à se tuer, que l’on se tue par lâcheté, ce qui n’est pas vrai, et ceux qui, dans la vie, ont eu envie de se tuer savent s’il faut un vrai courage. Nous pensons, au contraire, qu’il n’y a rien de si raisonnable que de quitter un habit qui nous gêne, un lieu où nous sommes mal, de déposer un fardeau trop lourd pour nos épaules. »

Pourquoi le suicide semble-t-il parfois admissible à Alphonse Karr ? C’est que le malheur lui est apparu comme un camp retranché dont les adeptes constituent la perpétuelle léproserie humaine ; il voit une société qui fonde des comités de secours pour repêcher un homme des flots, les lui refuse la veille du jour où il veut s’y jeter, et dont le raisonnement à l’égard de l’individu est identique à celui-ci : — le malheur domine ta destinée ; la loi t’interdit le suicide, nous ne pouvons rien à des maux dont nous proscrivons la victime ; mais si tu meurs, nous