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Page:Morphy - Le vampire, 1886.djvu/100

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LE VAMPIRE

Tout le monde s’était retiré laissant l’aumônier avec le prisonnier.

On frappa à la lourde porte du cachot.

L’abbé sortit un instant.

L’assassin, resté seul, eut une suprême pensée de salut qu’il réprima aussitôt.

Il était enfermé entre quatre murailles épaisses. Le vasistas était garni de solides barreaux.

D’ailleurs il était séparé du reste de la prison par la grille des morts, barrière funèbre qui sépare les condamnés à la peine capitale des autres détenus.

Pour arriver au dehors, il eut fallu desceller les barres de fer de la fenêtre et franchir deux murs d’enceinte, gardés par des sentinelles.

Le misérable se laissa aller à ses noires pensées.

— Faut-il parler ? se demanda-t-il avec un éclair dans les yeux. Quelle superbe vengeance ! Mais non, mieux vaut le silence et le mystère ; j’en serai plus grand dans l’armée du crime. Et j’ai soif de gloire, moi que l’on tuera dans quelques instants.

Il se releva et marcha à grands pas dans la cellule.

— C’est fini, dit-il encore ; fini le martyre dans la famille, ce bagne ! finie la vie de misère ! finie la lutte à main armée contre la société, cette gueuse ! finie enfin la prévention à Mazas, et le procès avec ses tortures lentes de tous les jours… Tout est fini, fini, fini ! On va me couper la tête… Il me semble que je vais respirer !

Une fièvre ardente agitait le bandit.

Il fut interrompu. La porte s’était rouverte…

Devant lui étaient deux prêtres, l’aumônier de la prison et un abbé qui portait une longue barbe.

L’aumônier présenta son confrère.

— Ce bon missionnaire, dit-il, vous a connu autrefois à l’étranger… Il vient de me l’apprendre… Il espère être plus heureux que moi et recevoir votre confession… Je lui ai volontiers accordé la faveur de me remplacer dans mon douloureux office…

— Ganache ! va, fit Général en regardant l’aumônier. Tu n’en crois pas un mot ou tu es rudement bête.

Le missionnaire s’approcha de l’assassin et lui dit vivement sans presque remuer les lèvres.

— Acceptez-moi comme confesseur… Je viens de la part des amis… de la Sauvage et de Sacrais.

Général fit un saut en arrière.

— Vrai ! demanda-t-il d’une voix sifflante.

— Chut ! fit le prétendu missionnaire.

Et se retournant vers l’aumônier :