Aller au contenu

Page:Morphy - Le vampire, 1886.djvu/76

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
76
LE VAMPIRE

— Regarde, dit Caudirol à Tord-la-Gueule.

— Je vois le bonhomme, répondit le colosse en faisant un geste menaçant.

— Tu vas sortir de la maison d’un air indifférent.

— Très bien. Et puis après ?

— Tu passeras à côté de ce particulier-là. Regarde-le bien.

— C’est tout vu. Y aura pas d’erreur.

— Tu le prendras à la gorge et tu l’étrangleras. C’est facile, il ne passe personne.

— Compris. En avant ! ça me va.

— Nous descendons derrière toi. Il s’agit de montrer que tu n’as pas volé ton nom.

Tord-la-Gueule, fit de point en point ce qui lui avait été commandé.

Il affecta d’être en état d’ivresse et s’en alla de droite et de gauche près de l’homme embusqué devant le lupanar, sans exciter sa défiance.

Puis, tout d’un coup, il s’abattit sur le mouchard, qu’il étouffa dans ses puissantes mains.

Il le laissa pour mortel rejoignit ses compagnons qui sortaient en groupe de rétablissement de la mère Poivre-et-Sel.

Le mouchard restait étendu par terre sans mouvement. Quand il s’était senti empoigner, il avait eu la présence d’esprit de se laisser tomber aussitôt.

De la sorte, il avait échappé à Tord-la-Gueule, qui, croyant l’avoir tué, ne s’était pas acharné après lui.

Il avait seulement perdu connaissance.

Quelques minutes après, il reprenait ses sens et se relevait péniblement

— En voilà une fichue journée, fit-il en rentrant dans l’intérieur de Paris… Ce matin, Sacrais me glisse entre les doigts, et ce soir, c’est kif-kif… Pas de chance, décidément. M. Véninger me colle rue des Lyonnais pour pincer je ne sais quel contumax dont il aura rêvé. Je ne vois pas son Larcier, naturellement ! et je m’en vais me promener au bal des Gouapeurs, où l’on fait toujours ses frais…

En cet endroit de son monologue, l’agent Haroux, — nos lecteurs l’ont reconnu, — fit un geste de dépit.

— Juste, je retrouve mon Sacrais… J’envoie chercher une kyrielle d’agents pour me prêter main-forte. Et patatras… Tiens, voilà mes hommes.

L’agent se dissimula le mieux qu’il put.

— Du diable si je me fais connaître, fit le policier ; ce serait trop bête. J’ai montré ma carte au sergot, mais il n’a pas vu mon nom… C’est pas la peine de passer pour un Nicodème.

Il suivit des yeux un groupe de gardiens de la paix, conduits par un brigadier qui se dirigeaient vers le lupanar.

— Ils vont faire un beau four, poursuivit Haroux. Quant à moi je regagne