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244 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

diapason. Lorsqu'il fait nuit, l'âme est triste, non pas parce qu'il fait nuit, mais plus simplement de la tristesse même de la nuit qui la pénètre. Ici indifféremment la vie rayonne de partout. L'homme, personnage aux gestes prétentieux et au cœur qui s'écoute, dans le monde de Loerke ne sera toujours qu'un intrus, et les amoureux qui invoquent la lune silencieuse, des indiscrets et des impertinents. Le poète se tait et écoute ; son âme répercute les mouvements cosmiques, elle s’envole dans l’oiseau, elle glisse avec les rivières, se ride dans les pierres et se perd dans la nuit. BERNARD GROETHUYSEN

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LA GRANDE FAIM, par Johan Bojer.

Les écrivains norvégiens — c’est une justice à leur rendre — ne redoutent pas les grands sujets. Johan Bojer nous a prouvé naguère qu’il savait labourer profondément un domaine restreint; et ce fut la Puissance du Mensonge, son meilleur livre. Il s’arrache au sillon psychologique et s’élance vers les horizons illimités de la critique sociale, religieuse, métaphysique; et c’est Sous le ciel vide, et, d’hier, la Grande Faim.

La première moitié de ce nouveau roman est charmante, à la façon d’un conte douloureux et tendre, qui foule le dur granit norvégien juste assez pour ne pas renier les lois de la pesanteur, mais rebondit avec aisance aux royaumes de la fantaisie, cette reine des littératures du Nord, proche parente de Titania. Peut-être Bojer s’est-il ici inspiré de ses souvenirs; car il eut, comme Per Holm, une enfance malheureuse, une adolescence inquiète, une jeunesse partagée entre la religion des trolls et l’âpre souci du corps et de l’esprit. Poésie et vérité.

Ensuite le roman ambitionne de s’épanouir en drame, le drame d’une vie. De beaux élans, des idées de romancier, ici traitées avec amour, ailleurs simplement esquissées, ou elliptiquement suggérées. La disproportion est flagrante entre le cadre et la peinture.

Il reste cet émoi profond de l’homme que ne satisfont ni le succès, ni la science, ni le prêche, que ne désaltère pas la halte de l’amour, qu’épouvante la stérilité de l’âme contemporaine.

La nostalgie du psaume évolue dans la conscience et l’imagi-

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