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RÉFLEXIONS SUR LA LITTÉRATURE 479

dans sa tragédie, et qui en dépasse l'aventure particulière, prend corps pour nous aussi bien dans la querelle des Investitures que dans la politique de M. Combes, et si Athalic eût été au temps de celui-ci reçue comme pièce nouvelle au Théâtre-Français elle eût été interdite par la censure. La reine Athalie était une belle personnification de la République, et comme la réalité ne fournissait pas de Joad, l'imagination d'extrême-gauche en créa un sous la figure de l'inolFensif père Du Lac, qualifié couram- ment de moine atroce, comme si le Bloc d'alors substituait à la vérité réelle la vérité typique mise en lumière par Racine. Dirons-nous donc que Racine en écrivant Alhalic pensait à Gré- goire VII et prévoyait M. Combes, comme Victor Hugo a, selon M. Richepin, prévu que la Russie serait la belle Aude de 191 5 ? (mais non à vrai dire que la belle Aude tournerait assez mal). Pas du tout. Seulement il avait du génie et ce génie consistait à créer une racine verbale qui pouvait s'incarner dans bien des systèmes de voyelles, un schème moteur capable de se résoudre en une multitude de figures, une substance qui comme la subs- tance spinoziste de Dieu s'exprime en une infinité d'attributs.

Mais pour que toutes ces virtualités existent dans une racine verbale ou un schème moteur il faut qu'elles y soient déjà pré- sentes d'une certaine façon ainsi que l'infinité d'attributs dans la substance infinie. Et dire qu'elles y sont présentes c'est dire qu'elles existent dans l'inconscient du poète. De sorte qu'en somme il y a un élément de vérité dans l'interprétation de M. Vodoz. Le schème moteur de la lutte qui fait place à la paix par cette seule raison qu'elle serait interminable — schème d'une magnificence, d'une profondeur et d'une fécondité admi- rables — il se résolvait bien pour Victor Hugo, ou plutôt il se serait résolu pour Victor Hugo, s'il s'était arre/^' à ses images ou à ses idées au lieu de les déposer dans un mouvement lyrique ininterrompu, en un certain nombre d'attitudes de toutes sortes parmi lesquelles il y eût eu ou il y eût pu avoir l'attitude litté- raire dont parle M. Vodoz, l'attitude politique dont parle M. Richepin. Il est bien certain que la lutte entre classiques et romantiques est une lutte de ce genre ; il est bien certain que dans la figure qu'il a prêtée à Olivier et à Roland, Victor Hugo s'est inspiré du vieux vers de la Chanson : « Roland est preux, mais Olivier est sage », et que le preux et le sage sont un couple

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