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Page:Nerval - Élégies nationales et Satires politiques, 1827.djvu/98

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Non, ces mets délicats, que nous offre la terre,
N’iront point engraisser les porcs de l’Angleterre :
Les nôtres désormais en auront le régal ;
Montrons que nous avons l’esprit national !

Ces bienfaits éclatans, qu’à peine on apprécie,
Contre notre puissance ont éveillé l’envie ;
De nos bruyans amis l’héroïque valeur,
Devant tant d’ennemis, sent glacer son ardeur :
Monseigneur au lever m’a fait, avec prudence,
Dans son appartement admettre en sa présence ;
Et maîtrisant à peine un trop juste courroux :
« Il est temps, m’a-t-il dit, de frapper les grands coups
» De plus puissans, efforts sont enfin nécessaires ;
» Assemble, ce matin, mes bureaux culinaires :
» Je veux, désappointant mes nombreux ennemis,
» D’un splendide repas réveiller mes amis.
» Tu sais, ainsi que moi, que ces messieurs du centre
» Sont des gens de tout cœur, mais ont le cœur au ventre
» Trop long-temps, par un mets à grands frais acheté,
» Nous avons cru flatter leur sensualité :
» Leurs palais sont usés ; leur goût blasé sommeille,
» Il nous faut inventer un mets qui le réveille.
» Il m’est venu, Dentscourt, un singulier projet :
» Je ne redoute point d’en gonfler mon budget ;
» Je m’appauvrirais peu par de telles vétilles :
» Le mets qu’il faut offrir, c’est… — Eh quoi ? — Des lentilles !