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Page:Nerval - Choix de poésies, 1907, éd. Séché.djvu/53

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— Nous conduisons un mort. — Et moi, ma fiancée.
Mais votre mort pourra bien attendre à demain ;
Suivez-moi tous, la nuit n’est pas très avancée…
Vous célébrerez mon hymen.

« Hourra ! hourra ! je vous invite
À ma noce… Les morts vont vite…
Ma belle amie, en as-tu peur ?
— Ne parle pas des morts… cela porte malheur… »

Hop ! hop ! hop ! sous les pas agiles
Du coursier les cailloux brillaient.
Et les monts, les forêts, les villes,
À droite, à gauche, s’envolaient,

« Tiens ! vois-tu ces ombres sans tête
Se presser autour d’un tréteau.
Là, du supplice encor tout l’attirail s’apprête…
Pour exécuter un bourreau.
Hourra ! dépêchez-vous !… hourra ! troupe féroce.
Faites aussi cortège autour de mon cheval !
Vous seriez déplacés au banquet de ma noce
Mais vous pourrez danser au bal.

« Hourra ! mais j’aperçois le gîte
Sombre où nous sommes attendus…
Les morts au but arrivent vite ;
Hourra ! nous y voici rendus ! »

Contre une grille en fer le cavalier arrive,
Y passe sans l’ouvrir… et d’un élan soudain.
Transporte Lénore craintive
Au milieu d’un triste jardin…
C’était un cimetière. « Est-ce là ta demeure ?
— Oui, Lénore ; mais voici l’heure.
Voici l’heure de notre hymen ;
Descendons de cheval… Femme, prenez ma main ! »
Ah ! Seigneur Dieu ! plus de prestige…

Le cheval, vomissant des feux.
S’abîme ! et de l’homme (ô prodige !)