Page:Nerval - Le Rêve et la Vie, Lévy, 1868.djvu/139

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mandes, des chants de guerre, des lais et des virelais, des guerz bretons, des noëls bourguignons et picards… Mais songera-ton à recueillir ces chants de la vielle France, dont je cite ici des fragments épars et qui n’ont jamais été complétés ni réunis ? C’est qu’on n’a jamais voulu admettre dans les livres des vers composés sans souci de la rime, de la prosodie et de la syntaxe ; la langue du berger, du marinier, du charretier qui passe, est bien la nôtre, à quelques élisions près, avec des tournures douteuses, des mots hasardés, des terminaisons et des liaisons de fantaisie, mais elle porte un cachet d’ignorance qui révolte l’homme du monde, bien plus que ne fait le patois. Pourtant ce langage a ses règles, ou du moins ses habitudes régulières, et il est fâcheux que des couplets tels que ceux de la célèbre romance : Si j’étais hirondelle, soient abandonnés, pour deux ou trois consonnes singulièrement placées, au répertoire chantant des concierges et des cuisinières.

Quoi de plus gracieux et de plus poétique pourtant :

Si j’étais hirondelle ! — Que je puisse voler, — Sur votre sein, la belle, — J’irais me reposer !

Il faut continuer, il est vrai, par : J’ai z’un coquin de frère…, ou risquer un hiatus terrible ; mais pourquoi aussi la langue a-t-elle repoussé ce z si commode, si liant, si séduisant qui faisait tout le charme du langage de l’ancien Arlequin, et que la jeunesse dorée du Directoire a tenté en vain de faire passer dans le langage des salons ?

Ce ne serait rien encore, et de légères corrections rendraient à notre poésie légère, si pauvre, si peu inspirée, ces charmantes et naïves productions de poëtes modestes ; mais la rime, cette sévère rime française, comment s’arrangerait-elle du couplet suivant :

La fleur de l’olivier — Que vous avez aimé, — Charmante beauté ! — Et vos beaux yeux charmants, — Que mon cœur aime tant, — Les faudra-t-il quitter ?

Observez que la musique se prête admirablement à ces har-