Page:Nerval - Le Rêve et la Vie, Lévy, 1868.djvu/281

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Vous l’avez bien dit :


Théo, te souviens-tu de ces vertes saisons
Qui s’effeuillaient si vite en ces vieilles maisons,
Dont le front s’abritait sous une aile du Louvre ?


Ou bien, par les fenêtres opposées, qui donnaient sur l’impasse, on adressait de vagues provocations aux yeux espagnols de la femme du commissaire, qui apparaissaient assez souvent au-dessus de la lanterne municipale.

Quels temps heureux ! On donnait des bals, des soupers, des fêtes costumées ; on jouait de vieilles comédies, où mademoiselle Plessy, étant encore débutante, ne dédaigna pas d’accepter un rôle : c’était celui de Béatrice dans Jodelet. — Et que notre pauvre Édouard Ourliac était comique dans les rôles d’Arlequin[1] !

Nous étions jeunes, toujours gais, quelquefois riches… Mais je viens de faire vibrer la corde sombre : notre palais est rasé. J’en ai foulé les débris l’automne passé. Les ruines mêmes de la chapelle, qui se découpaient si gracieusement sur le vert des arbres, et dont le dôme s’était écroulé un jour, au xviie siècle, sur onze malheureux chanoines réunis pour dire un office, n’ont pas été respectées. Le jour où l’on coupera les arbres du manège, j’irai relire sur la place la Forêt coupée de Ronsard :


Écoute, bûcheron, arreste un peu le bras !
Ce ne sont pas des bois que tu jettes à bas :
Ne vois-tu pas le sang, lequel dégoutte à force,
Des nymphes, qui vivoient dessous la dure écorce.


Cela finit ainsi, vous le savez :


La matière demeure et la forme se perd !


Vers cette époque, je me suis trouvé, un jour, encore assez

  1. Notamment, dans le Courrier de Naples, du théâtre des grands boulevards.