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Page:Nerval - Lorely, 1852.djvu/102

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criblé d’imprécations cette fois par des bourgeois non moins bruyants dans leur haine que les étudiants. Cependant, ces cris s’évaporaient en fumée à travers les nuages des longues pipes, et, quand j’arrivai à Cassel, je trouvai à cette petite ville l’aspect morne et paisible que présentait Paris l’avant-veille de la révolution de Juillet. On fumait, on consommait beaucoup de bière, mais on ne dépavait pas.

Cassel est une ville monotone, avec un château qui semble une caserne, des églises surmontées de clochers aigus, couverts d’ardoises, quelques-uns renflés en boule, comme si l’on y avait enfilé d’énormes oignons. Je ne pensai pas que le spectacle d’une révolution commençante, mais pacifique, valût ce que j’allais voir, c’est-à-dire l’inauguration de la statue de Herder et la fête de Goëthe, à Weimar. — Je repris le chemin de fer pour Eisenach.

Mon esprit, agité par les conversations révolutionnaires de la nuit, reprenait du calme en franchissant les limites de ce beau pays de Thuringe, séjour d’une population intelligente et plein de souvenirs poétiques et légendaires.

À Eisenach, on s’arrêta trois heures. C’était juste le temps qu’il fallait pour aller visiter le château de la Wartburg, deux fois célèbre par les anciennes luttes de chant et de poésie des minnesingers (ménestrels), et par le séjour de Luther, qui y trouva à la fois un abri et une prison.