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Page:Nerval - Lorely, 1852.djvu/139

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SCÈNES DE LA VIE ALLEMANDE.

moi, que de lui : pardon-, c’est aux voyageurs qu’il faut demander compte de leur vie, de leurs espérances, et surtout de leur oubli !

diana. Et pourtant nous voici près de toi. Mais n’est-ce que le temps et l’éloignement qui séparent les cœurs ? nous sommes libres encore, et tu ne l’es plus : je ne puis me faire à cette pensée !

frantz. Ah ! vous serez toujours son amie la plus chère 5 mais, quant à moi, je dois me contenter de la savoir heureuse. Je ne fais que passer à Francfort, d’ailleurs ; je n’ai voulu que revoir des personnes et des lieux chers à mon souvenir. Mais ce réveil des choses passées n’est pas sans tristesse et sans danger. Hier soir, je ne sais quel vague sentiment de malheur m’attendrissait l’âme. Je parcourais dans une agitation fiévreuse ces nouveaux jardins qui entourent la ville ; je suivais les bords du fleuve que la bruine commençait à couvrir ; je retrouvais nos promenades chéries, les sombres allées, les statues, et cette salle aux blanches colonnes où nous allions danser si souvent ; des rires joyeux, de ravissantes harmonies venaient, à moi comme autrefois, et semblaient s’exhaler au loin des sombres masses de verdure… Un instant même je distinguai la mélodie d’une certaine valse de Weber… qui me rappela tout à coup tant de douces impressions de jeunesse, que je me mis à pleurer comme un enfant.

marguerite. Je suis sûre que notre ami Frantz