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Page:Nerval - Lorely, 1852.djvu/20

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lemagne, si fougueuse et si terrible, initiée à toutes les sociétés secrètes, qui s’en va le poignard à la main, marchant incessamment sur les traces sanglantes du jeune Sand, quand elle a enfin jeté au dehors toute sa fougue révolutionnaire, s’en revient docilement à l’obéissance, à l’autorité, à la famille. — Double phénomène qui a sauvé l’Allemagne et qui la sauve encore aujourd’hui.

Toujours est-il que notre ami se mit à songer sérieusement à ce curieux miracle, dont pas une nation moderne ne lui offrait l’analogie, à toute cette turbulence et à tout ce sang-froid, et que de cette pensée-là, longtemps méditée, résulta un drame, un beau drame sérieux, solennel, complet. Mais vous ne sauriez croire quel fut l’étonnement universel quand on apprit que ce rêveur, ce vagabond charmant, cet amoureux sans fin et sans cesse, écrivait quoi ? Un drame ! lui un drame, un drame où l’on parle tout haut, où l’on aime tout haut, un drame tout rempli de trahisons, de sang, de vengeances, de révoltes ? Allons donc, vous êtes dans une grave erreur, mon pauvre homme. Moi qui vous parle, pas plus tard qu’hier, j’ai rencontré Gérard dans la forêt de Saint-Germain, à cheval sur un âne qui allait au pas. Il ne songeait guère à arranger des coups de théâtre, je vous jure ; il regardait tout à la fois le soleil qui se couchait et la lune qui se levait, et il disait à celui-là : — Bonjour, monsieur !