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Page:Nerval - Lorely, 1852.djvu/22

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linceul. Ce ne fut qu’à force de sollicitations et de prières, que le théâtre put obtenir ce drame, intitulé Léo Burckart. Il ne voulait pas qu’on le jouât. Il disait que cela lui brisait le cœur de voir les enfants de sa création exposés sur un théâtre, et il se lamentait sur la perte de l’idéal. De l’huile, disait-il, pour remplacer le soleil ! Des paravents, pour remplacer la verdure ; la première venue qui usurpe le nom de ma chaste jeune fille, et pour mon héros un grand gaillard en chapeau gris qu’il faut aller chercher à l’estaminet voisin ! Bref, toutes les peines que se donnent les inventeurs ordinaires pour mettre leurs inventions au grand jour, il se les donnait, lui, pour garder les siennes en réserve. Le jour de la première représentation de Léo Burckart, il a pleuré. — Au moins, disait-il, si j’avais été sifflé, j’aurais emporté ces pauvres êtres dans mon manteau ; eux et moi, nous serions partis à pied pour l’Allemagne, et une fois là, nous aurions récité en chœur le super flumina Babylonis ! Il avait ainsi à son service toutes sortes de paraboles et de consolations ; il savait ainsi animer toutes choses, et leur prêter mille discours pleins de grâce et de charme ; mais il faudrait avoir dans l’esprit un peu de la poésie qu’il avait dans le cœur, pour vous les raconter.

« Je vous demande pardon si je vous écris, un peu au hasard, cette heureuse et modeste biographie :