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Page:Nerval - Lorely, 1852.djvu/63

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de trois, six, neuf avec la douleur ; mais qui sait combien de temps le traitement peut survivre à la guérison ?

En vérité, c’est bien là un cloître d’héroïnes de petits romans, un monastère dans les idées de madame Cottin et de madame Riccoboni. Les bâtiments sont adossés à une montagne qui, à de certaines heures, projette dans la cour l’ombre ténébreuse des sapins. La rivière de Baden coule au pied des murs, mais n’offre nulle part assez de profondeur pour devenir le tombeau d’un désespoir tragique : son éternelle voix se plaint dans les rochers rougeâtres ; mais, une fois dans la plaine unie, ce n’est plus qu’un ruisseau du Lignon, un paisible courant de la carte du Tendre, le long duquel s’en vont errer les moutons du village, bien peignés et enrubannés dans le goût de Watteau. Vous comprenez que les troupeaux font partie du matériel du pays, et sont entretenus par le gouvernement, comme les colombes de Saint-Marc à Venise. Toute cette prairie qui compose la moitié du paysage ressemble à la Petite-Suisse de Trianon, comme, en effet, le pays entier de Baden est l’image de la Suisse en petit, la Suisse, moins ses glaciers et ses lacs, moins ses froids, ses brouillards et ses rudes montées. Il faut aller voir la Suisse, mais il faut aller vivre à Baden.

L’église du couvent est située au fond de la grande cour, avant à droite la maison du cloître, et à gau-