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Page:Neulliès - Tante Gertrude, 1919.djvu/10

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TANTE GERTRUDE

Mlle Gertrude, sa sœur, est son héritière légale. Mais le frère et la sœur ne sont jamais d’accord, ils se chamaillent sans cesse comme chat et chien, aussi est-il plus que probable qu’il ne lui laissera pas ce qu’il possède. Il y a encore du côté de sa femme un neveu qu’il aime beaucoup, dit-on, et il pourrait bien jouer le tour aux deux autres.

— Sa femme n’est-elle pas une Ponthieu ?

— Oui, parfaitement. Le frère de sa femme avait épousé une Parisienne. Ils sont morts tous les deux, laissant trois enfants, je crois. Celui dont je vous parle est justement l’aîné.

— Connaissez-vous ce Ponthieu ?

— Non. Lorsqu’il était enfant, il venait toujours passer ses vacances au château de Neufmoulins ; puis le propriétaire s’est fâché, paraît-il, avec sa belle-sœur, la mère de ce garçon, et on ne l’a plus revu depuis. Il a dû s’expatrier, si je ne me trompe, aller à l’étranger chercher une situation, car à la mort de ses parents, il est resté absolument sans ressources. Les autres enfants sont beaucoup plus jeunes que lui et il travaille pour les élever.

— Bien, cela ! Le vieux devrait leur laisser sa fortune.

— Je suis de votre avis. Mais, en tout cas, c’est fort aléatoire, puisqu’il n’a même jamais eu l’idée de leur venir en aide.

Dans le coin le plus obscur de l’église, derrière un pilier qui le dissimulait presque, un jeune homme ne quittait pas du regard la mariée, dont il apercevait de loin le fin profil.

Revenant de Belgique où il habitait, Jean de Ponthieu avait été pris soudain du vif désir de revoir Ailly, où il n’avait pas mis les pieds depuis bientôt quinze ans. Ailly se trouvait justement sur sa route. Il comptait n’y rester que quelques heures, apercevoir de loin le château où il avait passé de si bonnes vacances autrefois, du vivant de sa tante. M. de Neufmoulins, après la mort de sa femme, s’était fâché avec le comte de Ponthieu et tout rapport avait alors cessé entre les deux familles.