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Page:Neulliès - Tante Gertrude, 1919.djvu/100

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TANTE GERTRUDE

— Oui… je ne me sens pas très bien… un peu de migraine, je crois, j’y suis sujet. Oh ! ce n’est rien !

Mme Wanel s’était retournée aussi pour regarder le jeune homme qui, gêné, se leva et se dirigea vers la châtelaine.

— Je vous demanderai même la permission de me retirer, dit-il, et je vous prierai de m’excuser pour ce soir.

— Mais certainement, cher monsieur ! Si vous avez la migraine, il faut vous coucher ; c’est le seul remède. Quand je vous le disais que les hommes de nos jours ne sont plus que des femmelettes ! Vertudieu ! Il eût fait beau voir cela du temps de mon père, le colonel !

Jean Bernard, indifférent à la boutade de la vieille demoiselle, qu’il ne paraissait même pas entendre, avait pris congé de ses hôtes. Il s’était incliné profondément devant Paulette, qui lui témoignait de sa voix tendre et caressante ses regrets au sujet de son indisposition. Il n’avait pas répondu, mais l’expression de ses yeux sombres, qu’elle avait surprise, comme il les levait sur elle, l’avait étrangement troublée…

Longtemps, après son départ, elle était restée pensive et n’était sortie de son silence que pour dire tout à coup à sa tante, qui l’observait sans qu’elle s’en doutât :

— Vous allez encore vous moquer de moi, tante Gertrude, mais je ne puis pas voir M. Bernard sans penser à mon ami Jean de Ponthieu… ; il a ses yeux, j’en suis sûre !

— Il serait très flatté, ce cher comte, s’il savait trouver son sosie dans mon intendant.

— On pourrait trouver pire ! répondit Paulette avec une certaine vivacité.

— Thérèse est absolument de ton avis, déclara Mlle de Neufmoulins en s’éloignant après avoir lancé un regard moqueur sur la jeune orpheline, toute rougissante de se voir mise ainsi en cause.

Quant au régisseur, rentré chez lui, il s’était enfermé dans son cabinet, au grand étonnement de sa bonne, qui le croyait invité à dîner au château, et était fort intriguée par ce retour aussi subit