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Page:Neulliès - Tante Gertrude, 1919.djvu/12

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TANTE GERTRUDE

Et maintenant, il retrouvait chez la jeune mariée tous les traits de la mignonne Paulette d’autrefois. Cette beauté qui s’annonçait déjà chez l’enfant était devenue si merveilleuse que le jeune homme ne pouvait détacher ses yeux de la radieuse vision là-bas, penchée à l’autel dans une attitude méditative. Et son regard tombant sur l’homme agenouillé à ses côtés, dont les traits vulgaires semblaient plus repoussants encore auprès du visage idéal de sa compagne, une colère sourde étreignait le cœur de Jean, tandis qu’il se détournait instinctivement avec une sorte de mépris.

— C’est une de ces coquettes effrénées qui vendraient leur âme pour de l’argent ! une de ces poupées modernes sans cœur et sans pudeur, qui ne vivent que pour le luxe et l’étalage !

Ces mots, prononcés derrière lui par une vieille dame à l’air hautain, frappèrent soudain son oreille et le jeune homme se sentit pris d’une immense tristesse.

Si belle et si vénale ! Quel désenchantement ! L’argent avait-il donc tant de charmes aux yeux de certaines personnes ! Certes, lui, Jean de Ponthieu, le travailleur acharné, il connaissait mieux que n’importe qui la valeur de l’argent. Il savait sa vie de privations pour arriver à gagner ce qui lui était nécessaire pour élever les deux orphelins dont il restait le seul protecteur… Mais qu’une ravissante créature comme cette Paulette sacrifiât sa beauté par amour de l’or ! Non, cela le surpassait !

Et, pris de dégoût, il se prépara à quitter l’église, où une impulsion secrète l’avait poussé à entrer tout à l’heure. Il devait partir d’Ailly le soir même, et il avait eu la curiosité de revoir de loin la petite amie de son enfance, celle qui s’appelait désormais Mme Wanel.

En ce moment, un remous se produisit dans le bas de la nef, les mariés quittaient la sacristie, et Jean, refoulé, dut se résigner à attendre que le cortège fût parti pour sortir de l’église.

La jeune femme, au bras de son mari, avançait lentement, le suisse qui les précédait écartant à grand’peine les rangs pressés des assistants. Sou-