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Page:Neulliès - Tante Gertrude, 1919.djvu/139

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TANTE GERTRUDE

— Non… oui, répondit Mme Wanel, qui semblait oppressée et hors d’haleine.

— Monsieur ne s’en doutait pas, bien sûr, car il est parti de grand matin et à pied.

— Bon… je vais l’attendre, murmura Paule, en pénétrant vivement dans la maison, à la profonde surprise de la vieille bonne, qui était restée ébahie au milieu de la cour.

Sans s’inquiéter de ce qu’elle pouvait penser, Mme Wanel alla tout droit au cabinet du régisseur, et s’assit dans le fauteuil qui se trouvait auprès du feu.

Il y avait plus d’une heure qu’elle était là, accablée sous le poids de ses tristes méditations, énervée par l’attente, quand le pas du jeune homme résonna dans le corridor. En un instant, Paule fut debout ; mais avant même qu’elle eût traversé la pièce pour aller à sa rencontre, il l’avait devancée et l’avait reçue dans ses bras, sanglotante, éperdue.

— Oh ! Jean, c’est affreux !

Ce fut tout ce qu’elle put dire.

Doucement, il la fit asseoir, en essayant de la consoler, lui parlant comme à un enfant, trouvant dans son cœur des mots de tendresse exquise pour apaiser cette explosion de douleur dont il devinait la cause.

Lorsqu’elle fut un peu calmée, elle lui raconta sans en rien omettre la scène qui venait de se passer entre elle et sa tante ; elle lui dit son désespoir à cette pensée qu’elle était pour ainsi dire la cause de la catastrophe qui se préparait pour lui…

Jean écoutait, silencieux, le récit entrecoupé de sanglots… Il l’interrompait de temps en temps pour essuyer les paupières meurtries par les larmes, ou serrer tendrement la petite main tremblante qu’il avait prise dans les siennes… Il souffrait à crier ; mais seule la pâleur livide de son visage, qu’il savait garder impénétrable, eût pu trahir sa souffrance… Il se raidissait contre toute émotion ; car il sentait que le moment solennel d’accomplir son sacrifice était venu… il était prêt… Et lorsque Paule ayant fini de parler leva sur lui ses grands yeux éplorés, en murmurant :