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Page:Neulliès - Tante Gertrude, 1919.djvu/57

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TANTE GERTRUDE

Le désir de la vieille demoiselle ne devait pas tarder à être satisfait.

Il y avait près de deux heures que Mlle Gertrude travaillait avec son intendant dont, à sa grande satisfaction, elle avait pu apprécier déjà l’intelligence et les capacités, lorsque des cris joyeux les interrompirent.

— Hurrah ! J’ai gagné ! Battu, mon cher ! Vous êtes battu à plate couture ! Toujours la victoire du sexe beau sur le sexe laid ! s’écria une voix fraîche, tandis qu’un rire perlé éclatait comme une fusée.

Un soleil superbe brillait par la fenêtre entr’ouverte du bureau, et Mlle de Neufmoulins quitta sa place pour jeter un coup d’œil dans la cour.

— Bonjour, tante Gertrude ! Vous ne direz pas que je ne suis pas matinale, hein ? C’est moi qui ai fait dénicher ce pauvre Pierre à neuf heures, et il en est tout grinchu ! Il bougonne depuis notre sortie d’Ailly ! Il faut dire aussi qu’il n’est pas content, car je l’ai battu ! et bien encore ! Je monte vous embrasser et vous raconter tout cela en détail.

Un pas vif et léger résonna bientôt dans le corridor, et Paule, qui croyait sa tante seule, poussant la porte sans se donner même la peine de frapper, apparut sur le seuil, très crâne dans son costume de cycliste, éblouissante de fraîcheur et de beauté.

Elle s’arrêta, hésitante, à la vue de Jean ; ses joues se couvrirent d’une légère rougeur.

— Entre donc, dit Mlle de Neufmoulins ; c’est mon intendant.

Ce fut au tour de Jean de rougir.

« Ne fais pas attention, disait le ton dont fut prononcée cette simple phrase, ce n’est qu’un domestique ! »

Sans un mot, Jean se leva et, s’inclinant profondément devant Mme Wanel, il se disposa à se retirer, mais Mlle Gertrude l’arrêta :

— Un instant, s’il vous plaît ; nous n’avons pas fini. Assieds-toi là, Paulette, et tâche de fermer le bec pendant cinq minutes. Ensuite, je serai à toi.

La jeune femme, subitement gênée, presque intimidée, ne trouvant pas de siège à sa portée, s’assit sans bruit sur le rebord de la fenêtre ou verte. Elle était assise en face de Jean, et elle l’examina