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TANTE GERTRUDE

— Allons donc ! c’est une égoïste, tout simplement ! Si elle aimait Mme Wanel, ne lui aurait-elle pas ouvert sa maison, ne l’aurait-elle pas recueillie ? Au lieu de cela, elle la traite avec moins d’égards qu’on n’en aurait pour une domestique ! Elle lui inflige affront sur affront, l’accable de reproches, et, pour comble, pousse la dérision jusqu’à lui offrir comme résidence ce taudis qu’elle n’avait pas loué, parce qu’elle n’a jamais trouvé personne qui voulût l’habiter !

— Je n’y comprends rien, murmurait Thérèse.

— Ne devrait-elle pas avoir honte d’agir ainsi, surtout après ce qui s’est passé ! Mme Wanel, si elle l’avait voulu, ne serait-elle pas dame et maîtresse de ce superbe château ?

Thérèse hocha lentement la tête.

— Il aurait fallu pour cela que le comte de Ponthieu consentit à se mettre de la partie, remarqua-t-elle sans s’apercevoir du trouble subit de son compagnon.

— Enfin, déclara Jean avec impatience, je maintiens mon opinion : Mlle de Neufmoulins est d’une dureté révoltante pour Mme Wanel.

Pendant ce temps, que devenait Paulette ? Comment supportait-elle cette épreuve ? Ses sentiments restaient une énigme ; toujours gaie, toujours souriante, elle paraissait indifférente aux coups du sort comme aux affronts ; douce et affable pour tous comme aux jours de son opulence, elle désarmait la raillerie… Héroïsme ou insouciance, qui aurait pu le dire ?

Pendant quelques mois, on ne s’était occupé que d’elle dans la petite ville, les mauvaises langues s’en étaient donné ; puis d’autres événements étaient survenus et on avait cessé d’en parler.

Était-ce délicatesse ou tout autre sentiment de sa part, mais depuis sa ruine la jeune femme venait moins souvent qu’autrefois au château de Neufmoulins, et il fallait que sa tante insistât bien fort pour qu’elle consentît à rester le soir à dîner.

— Ce n’est guère commode, tante Gertrude, objectait-elle, maintenant que je n’ai plus de voiture ; la route est longue et triste, je suis poltronne, vous savez, et j’ai parfois de véritables