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Page:Neulliès - Tante Gertrude, 1919.djvu/93

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TANTE GERTRUDE


CHAPITRE IX


— Oh ! oh ! Tu deviens bien sentimentale, ma nièce !

— Non, tante Gertrude, pas du tout ; mais vous ne sauriez croire avec quelle force, avec quelle persistance le passé se présente souvent à mon esprit, depuis que je suis revenue sous votre férule.

— Thérèse, aidez-moi, s’écria soudain Paulette, d’un air éploré, s’interrompant dans sa conversation avec Mlle de Neufmoulins pour se tourner vers l’orpheline qui, assise auprès de la fenêtre, une grande corbeille de linge à ses côtés, était tout occupée à en vérifier le contenu.

— Qu’y a-t-il donc, madame Paule ? demanda-t-elle en souriant.

— D’abord, il n’y a plus de Mme Paule ? Je suis fatiguée de vous le répéter ; il n’y a ici que Paulette, votre amie, entendez-vous ? Voyez, c’est cette manche qui ne prétend pas aller droit ; j’ai beau faire, elle sera toujours de travers !

— C’est-à-dire que c’est toi, ma pauvre fille, qui ne sauras jamais la placer comme il faut, déclara railleusement Mlle Gertrude. Je crois bien que Thérèse perd son temps en essayant de t’apprendre quoi que ce soit ! Une poupée incapable et maladroite, voilà ce que tu as été jusqu’ici et ce que tu seras pour le reste de tes jours, j’en ai bien peur !

Mme Wanel essaya de sourire, mais sa lèvre eut un frémissement involontaire, tandis qu’elle abaissait vivement ses longs cils sur ses yeux devenus soudain humides.

Elle était là depuis une heure, s’évertuant à monter la manche d’un corsage que Thérèse lui avait taillé et qu’elle avait voulu confectionner elle-même, aidée des conseils de la jeune demoiselle de compagnie. Mais elle avait beau y mettre tous ses soins, elle ne réussissait pas, et c’est alors